lundi 30 septembre 2013

Venise, Bruges et Nuremberg, les premiers marchés des pigments et colorants




Un pigment (minéral ou organique) doit être d'abord finement broyé et nécessite l'emploi d'un liant pour se fixer sur un support ( bois, toile, papier, carton). Il peut être naturel ou synthétique aujourd'hui.
Un colorant est soluble dans l'eau ou dans un solvant. Il peut se fixer seul sur le support. Les matières colorantes sont le plus souvent des substances organiques naturelles ou synthétiques aujourd'hui.
Les pigments et les colorants sont donc classés d’après leur nature chimique (minérale ou organique) et leur origine (naturelle ou synthétique) . On distingue donc aujourd'hui les 4 familles suivantes, :
1/pigments minéraux naturels
On trouve dans la nature des terres (argiles et sables) de couleurs (jaunes, ocres, vertes ou rouges), notamment à Roussillon dans le Vaucluse. Leur coloration est due à la présence d’oxydes de fer, mais aussi les marbres et la craie de couleur blanche ou crème,  et de nombreux cristaux et minéraux de différentes couleurs:


-jaune, orangé comme l'orpiment et le réalgar ( sulfures d'arsenic),
-rouge comme le minium (oxyde de plomb) et le cinabre (sulfure de mercure)
-bleu des pierres précieuses comme la turquoise, l'azurite ou le lapis lazuli
-vert comme la malachite
-brillant comme l'or et l'argent

Quelques uns de ces minéraux plus ou moins disponibles dans la nature ont été utilisés dés l'Antiquité, et pratiquement tous dés le Moyen-Age. Certains étaient aussi chers que l'or comme le lapis lazuli originaire d'Afghanistan qui vit son prix multiplié par 10 à la Renaissance, par suite d' un embargo turc. L'azurite ou bleu d'Allemagne était plus accessible en Europe du Nord. D'ailleurs à cette époque, le marché et le prix européen des pigments et colorants se faisait exclusivement à Venise, Bruges et Nuremberg.
Les pigments minéraux doivent être finement broyés pour être utilisés en peinture. Les terres, elles, sont extraites, tamisées, lavées et éventuellement cuites pour en modifier la couleur  exemples : terre de Sienne, terre de Sienne brûlée, terre d’ombre, terre d'ombre brulée.


   



turquoise et malachite 

2/ colorants  naturels
Les Phéniciens et les Romains utilisaient un colorant violet tiré d’un coquillage (murex trunculus) pour teindre leurs toges et leurs vêtements.

Le Kermès ou carmin de couleur rouge est tiré d'une cochenille parasite du chêne. Il faut plus d'un kg de ces insectes pour obtenir 10 grammes de colorant.
A la Renaissance, on cultivait à Toulouse, Albi, Lavaur...une plante qui permettait de produire un colorant bleu, le pastel. Les cocagnes ou boules de pastel étaient alors exportées dans toute l’Europe.  Dés le 17eme siècle, le pastel toulousain fut concurrencé par les importations de bleu indigo (extrait des feuilles de l’indigotier) en provenance de l’Inde et par conséquent la culture du pastel déclina fortement.
On peut citer encore l'incarnat de couleur rouge tiré du bois de brésil ou rouge Brésil originaire de Ceylan puis du Brésil, pays auquel il a légué son nom. Le rose de garance qui est extrait d’une racine et a permis de teindre les textiles en rouge vif ( comme les uniformes français de 1870 !).

3/pigments minéraux synthétiques
Les peintres et les enlumineurs du Moyen-Age quelque peu alchimistes utilisaient les pigments naturels mais fabriquaient  aussi dans leurs ateliers différents pigments de synthèse, souvent abandonnés aujourd'hui pour leur toxicité, comme le cinabre ( sulfure de mercure), la céruse ou le minium (à base de plomb) ou les verts de gris à base de cuivre et de vinaigre. A la Renaissance d'autres pigments furent mis au point et leur synthèse fut approximativement décrite dans les "réceptaires", ou recueils de recettes, comme le véritable vert Véronèse (arséniate de cuivre).

Par la suite, les fabricants de peinture ont  réussi à remplacer ces pigments minéraux toxiques et chers par des pigments de synthèse qui se rapprochaient de la couleur d'origine de façon satisfaisante..
Ils sont obtenus par réaction chimique, ce sont en général des oxydes et des sels métalliques. D’ailleurs les couleurs développées servent souvent en analyse chimique à identifier le métal présent : bleus des sels de cobalt, rose et violet du manganèse, jaunes du cadmium, blancs de zinc et de titane. 

L'œil humain pouvant différencier plus de 10000 nuances de couleur différentes, les chimistes ont encore du pain sur la planche...  

                                          

Ce nouveau bleu est d'ailleurs très proche du bleu outremer cher à Klein, mais ce n'est pas celui-là! 

4/colorants synthétiques
La plupart des colorants naturels ont été remplacés par des colorants synthétiques plus économiques et plus variés.
A partir du 19ème siècle, l’industrie des colorants de synthèse connaît un formidable essor. Ainsi la culture de la garance a cédé à la concurrence de l’alizarine de synthèse. En effet, en 1868, la synthèse de l’alizarine (la substance colorante rouge, tirée de la garance) est réalisée par deux chimistes allemands, et cette production est immédiatement industrialisée.( la production atteignait déjà 10 000 tonnes en l’an 1900 dans la seule usine de BASF à Ludwigshafen en Allemagne)...
Ces molécules sont en général obtenues à partir des fractions aromatiques lourdes issues de la pétrochimie ou de la distillation de la houille (benzène, naphtalène, anthracène). On doit ainsi à la chimie la mise sur le marché de plusieurs centaines de nuances nouvelles à des prix abordables.


Emploi des couleurs et de leurs nuances
Les impressionnistes utilisaient largement les innovations techniques de la peinture. Ils se détournèrent des couleurs sombres et des terres naturelles, au profit des nouveaux pigments aux couleurs vives fournis par la chimie. Le carnet de notes d'Auguste Renoir nous permet d’identifier les pigments qu’il a utilisés en 1879 pour peindre "La Seine à Asnières".     
Renoir s’est servi de:
-bleu outremer pour peindre l'eau et ses reflets
-vert émeraude pour les joncs , synthétisé à partir du chrome. (le vert de chrome  remplaça l’arséniate de cuivre, si toxique qu’on l’utilisait alors comme insecticide lors des invasions de sauterelles!).
Renoir emploie également du jaune d’or ou jaune de chrome, obtenu chimiquement dès 1820. Pour les rouges, il utilise le vermillon artificiel et la laque de garance, fabriquée à partir des racines séchées et broyées de la plante. 
La vivacité des coloris des tableaux impressionnistes ou pointillistes est en partie due à l’utilisation de couleurs complémentaires. Les artistes s’inspirèrent de la loi des contrastes simultanés énoncée par le chimiste Eugène Chevreul en 1839. Selon lui, il se dégage une impression d’harmonie lorsque deux couleurs complémentaires sont placées à proximité l’une de l’autre. Elles semblent alors beaucoup plus vives.
C’est le cas du jaune placé à proximité du violet, du rouge opposé au vert, ou du bleu juxtaposé à l’orange, comme on le voit dans la Seine à Asnières d’Auguste Renoir.
Plus tard Johannes Itten élaborera une théorie des couleurs beaucoup plus sophistiquée.


composition

On s'accorde aujourd'hui sur la signification symbolique des formes géométriques élémentaires, que se soit en dessin, peinture, photographie ou même architecture: 

Ainsi le carré et  le cube évoquent la stabilité et l'équilibre, si toutefois ils reposent horizontalement sur un côté ou une face.le cercle: plénitude, finalité et perfection
le rectangle étalé: volume familier évoquant le cadre de la maison, du village ou du paysage et donc paix et quiétude
le rectangle dressé: puissance, agressivité mais aussi présence et tonicité évoquant la tour de guet ou le portrait
le triangle horizontal: équilibre et spiritualité
le triangle vertical: instabilité prononcée
les diagonales: profondeur, mouvement, énergie
les lignes courbes : sensualité et harmonie
les lignes brisées: chaos


De plus, le format du tableau (grande fresque ou miniature) est bien évidemment un élément déterminant dans le choix du sujet à représenter.

Mais quand et comment les artistes ont-ils commencé à utiliser ces règles élémentaires de la composition dans leurs tableaux? Sans doute instinctivement depuis l'apparition de l'écriture, mais ce n'est qu'à la Renaissance que les règles précises de  la composition ont commencé à être formulées:

Lorsque le sujet représenté était assez simple, par exemple portrait d'un seul personnage ou paysage minimaliste, les peintres ont très vite su s'appuyer sur une forme géométrique élémentaire pour affirmer leur propre vision du tableau.
Pour des sujets plus complexes,  grandes fresques ou scènes de genre, les peintres ont du exécuter plusieurs ébauches pour mettre au point leurs compositions en sachant plus ou moins  tenir compte des lignes de forces, des plans et des masses.

- lignes de forces: ce sont les 2 lignes horizontales et les 2 lignes verticales qui découpent le tableau en 9 rectangles "équivalents" selon un rapport de distances égal au nombre d'or (1.618). Chacune des 4 intersections de ces lignes de force est un point fort. Le centre du tableau n'est donc pas un point fort et on évitera de placer un personnage ou objet significatif à cet endroit.

-plans : ce sont les différentes zones de l'espace représenté. Ce dernier peut s'étager successivement du premier plan aux plans intermédiaires, puis aux plans lointains pour finir au plan le plus éloigné qui se confond habituellement avec l'horizon ( perspective aérienne)


-masses : ce sont les figures ou les objets significatifs dont les volumes doivent s'équilibrer dans une composition réussie. les artistes évitent donc de placer à une seule extrêmité du tableau tous les personnages et tous les volumes significatifs de la composition, mais essaient de les répartir du mieux possible pour occuper la toile dans son intégralité de façon harmonieuse et de les situer de préférence sur les points forts. Il n'est pas ici question de symétrie, comme en architecture, mais d'équilibre.