Je vous propose
de faire ici un (court) parallèle entre ces deux grands peintres européens, afin de mettre en lumière ce qui les rapproche, même
s’il est évident que Velazquez garde sur Manet l’avantage de l’antériorité .
Les deux
artistes sont nés dans une famille aisée et cultivée de deux pays d’Europe, mais à plus de deux siècles d’intervalle. Tous deux ont eu accès pendant
leurs jeunes années à la meilleure peinture des artistes peintres des siècles
antérieurs, notamment italiens comme Raphaël, Michel-Ange ou Caravage.
Si Diégo Velazquez
fut poussé par son père dés 1612 dans les ateliers des artistes espagnols Herrera et Pacheco, ce n’est pas le cas d’Edouard Manet dont la vocation d’artiste
peintre fut contrariée par son père. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans révolus
qu’ Edouard put enfin fréquenter l’atelier très « académique » de
Thomas Couture, atelier qu’il n’eut de
cesse de quitter par la suite pour
imposer sa propre vision d’une peinture « naturaliste ».
Velazquez connait
la célébrité dés ses 18 ans avec des scènes réalistes de cabaret ou « bodegones »,
genre alors très en vogue dans l’Europe du début du XVIIème siècle. En effet l’église réformée hollandaise est alors opposée à toute représentation humaine dans les édifices religieux, et cette opposition freine alors la diffusion des peintures religieuses ou
mythologiques hors des églises. Les « bodegones » se doivent
représenter de manière très réaliste et même laïque les personnages et les objets qui les
entourent. Ces objets (cruches, vaisselles, cuivres, fruits…) doivent être
reproduits à la perfection dans la pure tradition hollandaise ou flamande de la
« nature morte ».
Devenu très vite
un excellent peintre et un fidèle portraitiste, Velazquez est engagé dés 1623 à Madrid au service du roi
d’Espagne Philippe IV, (dont il réalisera par la suite les nombreux portraits officiels).
Il meurt à Madrid à l’âge de 61 ans en pleine gloire, après avoir mené une vie assez régulière. ( à signaler toutefois quelques rencontres dont celle de Rubens à l'Escurial en 1628 et quelques voyages initiatiques dont un séjour de plus d'un an en Italie, en 1629/1630).
Manet s’intéresse
très progressivement à la peinture espagnole et notamment à celle de Velazquez et de Goya au fur et à mesure de ses
découvertes personnelles (visites régulières des tableaux de l’Ecole Espagnole du Louvre, voyage à Madrid de 1865, découverte de l'exposition publique des
collections impériales espagnoles … ) . Les traditions et la musique d’Espagne sont
alors très en vogue à la cour de Napoléon III et d’Eugénie Montijo.
Manet s’inspire notamment des scènes de cabaret et des portraits réalistes de
Velazquez , en les transposant au XIX ème siècle, et il ne néglige pas de
représenter dans un coin de ses toiles quelques objets léchés de nature morte chers
à Velazquez. Mais il se gardera bien de représenter des portraits de cour
académique, laissant ce travail à Meissonier ou à Couture ! Il s’inspire aussi des scènes de guerre de Goya pour son
tableau « l’exécution de l’empereur Maximilien » et s'inspire de la « Maja
Nue » du peintre espagnol pour créer son Olympia.
Après avoir traversé un demi-siècle des plus
agités sur le plan sentimental et politique, habitué des scandales à répetitions que suscite sa peinture novatrice (salon des refusés), Manet ne connaitra le succès qu’à la fin de sa vie.
Si l’on peut affirmer
que Manet s’est fortement inspiré du dessin et de la
technique de Velazquez, il a su se libérer de l’influence du maître espagnol,
en simplifiant et en épurant ses portraits et ses compositions, en vivifiant les
couleurs de sa palette, en renonçant notamment
aux tons bruns foncés omniprésents chez Velazquez, mais surtout en s’éloignant
définitivement des séries de portraits officiels chers au peintre espagnol.
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